Un nouveau matériaux hybride pour la séparation des gaz
Publiés dans la prestigieuse revue scientifique internationale Nature Materials lundi 19 décembre, les travaux du consortium franco-coréen permettent d’envisager des procédés industriels plus efficaces de séparation de gaz. Pour la première fois a été découvert un matériau facilement recyclable, capable de purifier le gaz naturel (notamment constitué majoritairement de méthane, mais contaminé par des concentrations élevées d’azote) ou de séparer l’oxygène de l’air, à basses pression et température, sans utiliser les procédés couramment employés, le plus souvent énergivores.
Le Laboratoire Catalyse et Spectrochimie (Normandie Université, ENSICAEN, UNICAEN, CNRS), l’Institut Charles Gerhardt Montpellier (CNRS/Université Montpellier/ENSCM), l’Institut des matériaux poreux de Paris (CNRS/ENS/ESPCI) et le KRICT coréen ont découvert un système hybride organique-inorganique poreux ordonné, communément appelé Metal Organic Framework (MOF), capable de fixer préférentiellement l’azote gazeux, même en présence d’autres gaz. La synergie entre ces quatre laboratoires aux compétences uniques en synthèse, caractérisation avancée et modélisation de matériaux, a permis de concevoir un solide poreux capable de réaliser un tel type de séparation à température et pression ambiant.
Les MOFs possèdent une structure zéolithique, une composition et des entités de construction similaires à celles d’un composé organométallique mais en étant solides, stables jusqu’à des températures relativement élevées et avec un contrôle spatial des entités actives, le tout bénéficiant d’une porosité accessible très importante pour adsorber des réactifs ou molécules alors confinés au sein de leurs pores.
Des tests réalisés sous flux (conditions operando) ont démontré que certains de ces solides (surtout si constitués de centres actifs à base de chrome) sont très efficaces dans l’adsorption sélective de l’azote au milieu d’un mélange de gaz, notamment le méthane et l’oxygène. Des calculs DFT sur les sites actifs pour la fixation de l’azote, ont permis de comprendre que les oxoclusters de Cr(III), stabilisés par une structure hybride à base de ligands tricarboxylates, présentent une interaction spécifique (et inhabituelle, par rapport à d’autres cations métalliques comme Fe(III) ou Al(III)) avec les molécules d’azote.
Le choix raisonné du meilleur solide correspondant à ces caractéristiques a conduit à la synthèse d’un matériau poreux cristallisé contenant une très haute densité de sites Cr(III) dont l’évacuation totale de l’eau permet d’accéder à des sites métalliques coordinativement insaturés, c’est à dire disponibles à l’adsorption de molécules d’azote, comme l’ont confirmé des analyses spectroscopiques in situ.
D’un point de vue plus général, ceci est une brillante démonstration qu’il est possible de façonner des solides hybrides poreux de type MOF afin de les adapter à des réactions chimiques particulières. Les perspectives sont nombreuses d’une part sur le plan industriel pour développer des procédés plus efficaces de séparation des gaz et d’autre part cela ouvre la voie à d’autres applications, particulièrement en catalyse des produits azotés.
- gauche : spectres infrarouge montrant l’adsorption d’azote sur les sites du matériau MIL-100(Cr).
- droite : courbes de perçage des mélanges azote/oxygène (haut) et azote/méthane (bas), montrant la grande efficacité du MIL-100(Cr) par rapport à des matériaux analogues à base de fer ou d’aluminium.