Cette nouvelle découverte du Laboratoire de Catalyse et Spectrochimie (LCS-CNRS/ENSICAEN/université de Caen Normandie) sur les zéolithes ouvre des perspectives cruciales en faveur de la transition énergétique. Il s’agit en effet d’accélérer l’émergence d’hydrocarbures renouvelables fabriqués à partir de bioressources mais aussi d’optimiser le recyclage du plastique.
La prestigieuse revue Nature met à l’honneur la découverte de l’équipe du Laboratoire catalyse et spectroscopie « A stable zeolite with atomically ordered and interconnected mesopore channel » qui aboutit un travail de plus de 30 ans de recherche pour étendre la taille des pores des zéolithes. Les nouvelles zéolithes d’aluminosilicate synthétisées par le LCS disposent d’une taille de pore supérieure à 2 nanomètres et d’une stabilité thermique et chimique exceptionnelle propices à de nouvelles applications industrielles pour la fabrication de matières et d’énergies renouvelables.
« Dans les pores des zéolithes se trouvent des sites actifs capables d’interagir avec la matière pour la transformer. En augmentant la taille des pores des zéolithes, l’équipe du laboratoire a créé un matériau révolutionnaire en mesure d’agir sur des molécules de plus grande dimension pour transformer plus efficacement des hydrocarbures fossiles mais surtout pour exploiter des bioressources. En effet, ces nouvelles zéolithes vont permettre de transformer des substrats plus volumineux pour valoriser la biomasse et ainsi produire de l’énergie à partir de ressources naturelles renouvelables. Au lieu d’être incinéré, un matériau plastique en fin de vie pourrait également être recyclé et réutilisé plusieurs fois ! »
Valentin Valtchev, Directeur de Recherche CNRS
Les zéolithes, de véritables « tamis moléculaires »
Constitués principalement d’aluminium, de silicium et d’oxygène, les zéolithes ont pour principale propriété d’absorber, de transporter et de transformer différents types de molécules. Grâce à leurs propriétés physico-chimiques uniques, ces solides cristallins microporeux sont utilisées dans de nombreuses applications industrielles avec une demande mondiale atteignant plusieurs millions de tonnes par an.
Véritables « tamis moléculaires », les zéolites jouent un rôle clé dans le craquage pétrochimique, les échange d’ions (adoucissement et la purification de l’eau notamment), la séparation et l’élimination de gaz et de solvants. Leur importante surface d’interaction avec la matière et leurs propriétés exceptionnelles sont également mises à profit en catalyse hétérogène.
Nouvelles zéolithes ZMQ-1
Cette zéolithe d’aluminosilicate baptisée ZMQ-1 contient des mésopores intrinsèques de 2.3 nanomètres (nm). Le recours à un agent directeur de structure* (OSDA) à base de phosphonium permet de maintenir la structure de la zéolithe et les autres propriétés physico-chimiques liées à ses pores contrairement aux zéolithes à base d’ammonium massivement utilisés dans la synthèse des zéolithes « classiques ». Les OSDA à base de phosphonium présentent une charge positive plus forte ainsi qu’une flexibilité qui favorisent la formation de zéolithes à très grands pores. De plus, les OSDAs à base de phosphonium montrent une stabilité hydrothermale supérieure et peuvent donc être utilisés dans des conditions de synthèse plus rudes.
* Un agent de structure est une molécule (généralement organique) qui agit comme un « moule » ou « gabarit » autour duquel la structure cristalline de la zéolithe se forme.
Zéolithes aluminosilicates stables classées par taille de pores, y compris la zéolithe intrinsèquement mésoporeuse (ZMQ-1) récemment découverte. ©Valentin Valtchev
Aboutissement de 30 années de recherche
Diverses approches ont été développées au cours de ces trente dernières années pour améliorer la diffusion intracristalline et introduire des mésopores intrinsèque (intra-cristallins) de plus grande taille (entre 2 et 50 nm) dans leur structure et ainsi combiner les avantages de la sélectivité et de la réactivité des micropores avec l’accessibilité améliorée par les mésopores. Hélas, ces mésopores étaient jusqu’à présent souvent désorganisés, non uniformes et mal connectés à la porosité native des zéolithes. En outre, ils altéraient l’acidité, la cristallinité et d’autres propriétés intrinsèques du matériau. Enfin, les méthodes utilisées pour créer ces pores plus larges sont souvent nocives pour l’environnement, longues et coûteuses, aboutissant à des matériaux dont l’intérêt pratique reste limité en comparaison de la zéolithe initiale.
Références
Peng Lu, Jiaoyan Xu, Yiqing Sun, Rémy Guillet-Nicolas, Tom Willhammar, Mohammad Fahda, Eddy Dib, Bo Wang, Zhengxing Qin, Hongyi Xu, Jung Cho, Zhaopeng Liu, Haijun Yu, Xiaobo Yang, Qiaolin Lang, Svetlana Mintova, Xiaodong Zou & Valentin Valtchev, Nature 2024; DOI: https://doi.org/10.1038/s41586-024-08206-1
Contact
Valentin Valtchev, Directeur de Recherche au Laboratoire Catalyse et Spectroscopie (CNRS/ENSICAEN/Université de Caen Normandie) – valentin.valtchev@ensicaen.fr
Partenaires
Qingdao Institute of Bioenergy and Bioprocess Technology, Chinese Academy of Sciences, 266101 Qingdao, China.
Department of Materials and Environmental Chemistry, Stockholm University, 10691 Stockholm, Sweden.
Source
CNRS – rédacteur CCdM