Publiés dans Nature Communications, les travaux menés par les chercheurs du laboratoire CRISMAT pendant la thèse d’Alvaro Adrian Carrasco-Alvarez dirigée par Julien Varignon, maître de conférences à l’ENSICAEN, permettent de mieux comprendre l’origine microscopique de la supraconductivité et d’ouvrir des pistes d’identification de nouveaux supraconducteurs pour de futures applications en imagerie médicale, transport de l’énergie sans perte ou Maglev, train à lévitation magnétique !
Découverte en 1911, la supraconductivité reste certainement la propriété la plus fascinante de la matière condensée. L’avènement des supraconducteurs est cependant entravé depuis la fin des années 1980-1990 par la trop faible température de transition vers l’état supraconducteur : 138 K soit -135 degrés Celsius dans les oxydes de cuivre (i.e. cuprates) dans des conditions normales de pression. Les travaux théoriques des chercheurs du CRISMAT percent progressivement les secrets de l’interaction au cœur de la supraconductivité pour envisager à terme l’identification de nouveaux supraconducteurs fonctionnant à température ambiante.
Ces travaux montrent en effet que l’effet Jahn-Teller forme les paires de Cooper dans des oxydes de ruthénium, expliquant les observations expérimentales de la supraconductivité dans Sr2RuO4 et Ca2RuO4, avec une température de transition de 1.5 K et 64 K, respectivement. Ces travaux suggèrent que les couplages électron-phonon produisant des phases isolantes dans de nombreux oxydes sont aussi ceux responsables de la supraconductivité dans ces matériaux.
Supraconductivité et paires de Cooper
La supraconductivité est expliquée par la formation de paires d’électrons appelées paires de Cooper. Dans la théorie originelle proposée en 1957 par Bardeen, Cooper et Schrieffer (BCS), les vibrations du réseau permettent de surpasser l’interaction Coulombienne entre les électrons afin de les apparier. La théorie BCS explique la supraconductivité de matériau simple comme Pb ou MgB2. Elle semble cependant mise à défaut dans des systèmes complexes comme les cuprates du type La2-xSrxCuO4 ou les récentes nickelates. Dans ces systèmes possédant des couches de valence ouvertes sur les métaux de transition, il est proposé que les corrélations électroniques et/ou les effets de covalence favorisent la liaison entre les électrons.
Beaucoup d’oxydes dérivant de la structure pérovskite montrent une phase supraconductrice atteinte par des effets de dopage. En réalité, le matériau dans sa phase non dopée possède un intense couplage électron-phonon permettant de réaliser un ordre de charge et de former un état isolant. Le dopage sert alors à réduire ce couplage électron-phonon pour atteindre une phase métallique mais en restant suffisamment fort pour produire des paires de Cooper. Ces supraconducteurs siègent alors à proximité d’une phase ordonnée en charge. Un autre couplage électron-phonon permet de produire une phase isolante dans les oxydes : l’effet Jahn-Teller produisant une occupation particulière des orbitales électroniques entre atomes voisins.

Alvaro Adrian Carrasco-Alvarez
Orbital-order as the driving mechanism for superconductivity in ruthenates, A. A. Carrasco-Alvarez, S. Petit, W. Prellier, M. Bibes and J. Varignon, Nature Communications 16, 1458 (2025). https://www.nature.com/articles/s41467-025-56417-5